|
||
![]() |
||
![]() |
||
![]() |
||
![]() |
![]() |
Comment avez-vous trouvé
votre voie ? En réparant des fenêtres ! Jétais alors menuisier avec mon père. Il ma appris quatre ans de bois. Je ne voulais pas rester menuisier et un jour, en réparant les fenêtres dun studio de dessin, dans les années 1950, je me suis dit, bon dieu, mais cest bien sûr : voilà ce que je vais faire. Et jai changé de métier. Mon père nest pas tombé de haut parce que ça mavait déjà pris. Je voulais être encadreur. Je voulais travailler le bois mais pas en tant que menuisier, plutôt en tant quartiste. Si ça se trouve jaurai pu finir designer de meubles. Allez savoir ce que jaurai pu faire. Ou décorateur.
( ) Mais ça ma servi dans la lettre parce que ça ma donné le sens du fini. Ce qui est formidable dans le bois, cest quon finit bien sûr à lil, mais on finit à la main. Il y a une sensualité. De plus, cela donne le goût de ce qui est structuré, bien fait, bien ajusté. A affûter aussi ses outils comme je lapprenais à mes élèves. Il faut des outils adéquats ; cest important.
Justement, les outils ont bien
changé ces dernières années
( ) Voilà un caractère que jai dessiné à la plume. Que jai agrandi. Que jai dessiné sur une sorte de calque plastique lequel a été scanné. Et là on redessine ce quon a fait sur Polymat sur lécran, sur le logiciel Fontographer. On nest pas forcé de tout dessiner. On trace une virgule et un point et après, on obtient le point virgule. Tandis quavant il fallait tout dessiner. Les cent cinquante signes demandés étaient dessinés un par un. Autre avantage : la possibilité de programmer toutes les graisses. On dessine le plus maigre et le plus gras et le logiciel dessine les corps intermédiaires autant que vous voulez. Il suffit de doser le pourcentage. Cest dune redoutable précision.
Naturellement, le logiciel ne fait pas tout. Il fait une grande partie du travail mais certaines lettres doivent être modifiées suivant quon est gras ou light.
Et maintenant, il y a les Fontographer de luxe : Fontlab. Cest aujourdhui le logiciel de référence, même sil faut sa casquette de commandant de bord pour lutiliser ! Je nai pas encore abordé ce truc là. Cest grâce à Jean-François Porchez que jai pu travailler sur Fontographer et réaliser tous mes boulots. Je nallais pas encore lembêter sur Fontlab. Il faut vraiment lapprentissage in situ.
Cest quand même formidable davoir connu le plomb, la photo et linformatique.
Mettre au point un caractère,
ce nest pas trop fastidieux ? Si bien sûr. Cest pour cela quil marrive souvent de travailler sur deux caractères en même temps.
On est toujours nostalgique de la typo à lancienne mais finalement, linformatique a beaucoup apporté ?
Enormément. A condition toutefois de le sentir. Et de le savoir. Lordinateur est un outil absolument fabuleux mais il faut savoir. Il faut avoir de la culture sur ce quon fait. Et de la créativité. Mais loutil est magnifique.
Il faut également tester pour les langues étrangères. Chaque langue produit son propre gris. Certains caractères se prêtent davantage à certaines langues à cause de ses répétitions : litalien avec ses des g. Si on ne fait pas attention, on les voit gros comme une maison sur la page ces deux g. Cest pour cela quil est intéressant de composer dans des langues étrangères : pour voir ces petites chausse-trappes.
La technique nest cependant rien sans savoir-faire...
Cest évident. Il faut pratiquer en effet. Beaucoup. Quand vous avez beaucoup de discipline dans un projet, vous sentez beaucoup mieux les choses que quand on vous laisse totalement libre. Cest à vous de créer vos contraintes. Ce nest pas facile. Cela passe par lapprentissage et la connaissance.
Et puis il faut se rappeler une règle de base : en matière dalphabet, cest le blanc qui fait le noir ! Jai toujours aimé les fonds noirs, parce quen fait, cela fait ressortir le dessin.
Comment sapprend la typographie ?
Il fallait apprendre à gérer non seulement le trait mais aussi sa sensibilité dans sa progression. On commençait par installer lempattement, toujours avec la plume légère, et on descendait en appuyant. On est toujours pleins/déliés, pleins/déliés, instinctivement. Il sagissait de redécouvrir lécriture, lécriture à la plume. »
A mes étudiants de troisième année, je leur faisais également faire du dessin de lettre en commençant par des exercices doptique pour prendre conscience des déformations et dont il faut tenir compte donc à savoir des carrés pas carrés, des ronds un peu aplatis. En traitant ces problèmes, on abordait des problèmes typographiques purs. Cest là quils sapercevaient que ce nétait pas si facile.
La typographie est donc un art difficile ?
Jai eu pour la lettre cette passion. Il y a des fous de Dieu, moi je suis un fou de la lettre, un fou du signe. Je suis toujours à laffût de formes que je puisse faire évoluer. Je suis vraiment fou de lettre.
Ce qui est intéressant
avec la typo cest de pouvoir lire les imprimés avec un
autre regard
Saisir les nuances. Ce qui est intéressant cest détudier ce gris, cette sensation que dégage une typo quand on la regarde, qui une chose ineffable. Lune est plus avenante, lautre un peu plus pure, lautre plus lisible. Chacune dégage un parfum, comme un parfum de fleur, ou comme une couleur, qui irrite la rétine ou ladoucit.
Et vos typos... ? Elles dégagent le même esprit. On a beau changé les formes, on dessine les mêmes lettres.
Y a-t-il des caractères plus difficiles à utiliser que dautres ? Le Bodoni par exemple ?
Cest le cas de tous les caractères. Nimporte quel caractère mal mis en place devient laid. Que ce soit du Times ou un autre beau caractère de la Renaissance, un Plantin. Une mauvaise mise en page détruit nimporte quoi.
Il y a deux possibilités. Soit je les fais pour moi-même et après je les propose. Soit je réponds aux besoins dun client. Sur une nappe de restaurant, en discutant avec lui. Je prends ce schéma, jen fais une photocopie, je lagrandis et là-dessus je travaille. Ce nest pas formel. Je suis constamment à la recherche de signes. Et puis, dun seul coup, jai un éclair, une chose se précise dans ma tête et je dessine.
Il mest aussi arrivé de dessiner un logo et den faire un caractère.
Et comment le baptise-t-on ?
Il y a des climats. Cest parfois très subjectif. Sentir pourquoi précisément, je lui donne un nom qui lui correspond.
Quest-ce quun bon client ?
Dans le meilleur des cas, on tombe sur quelquun qui a une bonne sensibilité typographique. Cest très rare. Et dans le moins meilleur des cas, on tombe sur quelquun qui ne comprends pas grand chose, qui na pas de culture visuelle. En plus, en général, il ne fait pas confiance. Cest surtout là le problème car on ne peut pas demander à quelquun davoir une culture visuelle et une culture typographique encore moins. Mais au moins, si je madresse à mon plombier, je ne vais pas lui expliquer comment descendre ses tuyaux en cuivre ou faire son raccord ; cest son boulot, je lui fais confiance. Montrez-moi, je naime pas beaucoup ça et Quest-ce que vous aimez ? Jen sais rien. Enfin cest lhorreur. Les gens ne savent pas ce quils veulent et ils ne font pas confiance. Cest très difficile. Si on na pas la possibilité de sortir avec le client, le connaître un peu, discuter autour dun repas, dun café, parler de ses hobbies, de ce quil fait dans sa société voire aller chez lui comment il est installé, ce quil a au mur, pour deviner ses goûts esthétiques. Cela vous donne de petites références qui aident à se faire une idée de la personnalité de cette personne qui vous demande de créer son image, celle de son entreprise.
Lagence ne constitue pas un filtre également entre le créateur et le client ?
Autrefois, on avait comme filtre le commercial qui allait chez le client mais qui ne sentait pas grand chose. Ce nétait pas son métier. On faisait ce quon pouvait avec son brief alors quil aurait été si facile que jaille avec le commercial pour faire parler à ma façon le client pour sentir le projet.
Il mest arrivé de créer au fur et à mesure, mais là, cétait de la haute voltige. A la réflexion, je mapercevais que ce que javais fait en premier jet, à linstinct, était la bonne proposition.
Je les donne à des sociétés, sans privilégier vraiment un éditeur. Eras est chez ITC, dautres sont chez Agfa Monotype, dautres chez Fontfont. Je nai jamais voulu exploiter mes créations moi-même. Ce nest pas mon boulot. Jean-François Porchez pour qui jai beaucoup destime le fait avec talent en plus de représenter la typographie en France avec lAtypI et qui ma fait connaître FontFont.
Comment promeuvent-elles vos fontes ?
Avant les sociétés de composition
faisaient des catalogues. Les graphistes, dès quils avaient
une minute, ouvraient le catalogue et regardaient, analysaient les choses,
photographiaient les caractères. Si bien que quand ils avaient
un problème à résoudre, ils savaient où
chercher. Aujourdhui, il ny a plus de vrais catalogues qui
présentent les caractères dans tous les corps : en grand
et en petit. Les catalogues Berthold étaient des merveilles.
Dans les catalogues modernes, un caractère est présenté
sous la simple forme dune ligne. Il faut vraiment être du
métier pour trouver son bonheur. Or cest sacrément
important de trouver le bon caractère dans le travail dun
graphiste. Aujourdhui, ce nest évident nulle part. |
|||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |