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Pouvez-vous nous en dire plus sur qui vous êtes et votre parcours professionnel ? Bien sûr. Je suis né à Hong Kong
mais ai émigré très jeune avec mes parents en Nouvelle-Zélande.
J’ai fait mes études dans ce pays mais la plupart des gens sont
toujours surpris d’apprendre que je n’ai jamais étudié
le design. Après le Scots College, j’ai en effet étudié
le Droit et la gestion à la Victoria University où j’ai
décroché trois diplômes. Le Yan Series 333 est-il votre première police de caractères commerciale ? La réponse est oui. Dans mes jeunes années, j’ai fait de la calligraphie et le Yan Series est la transposition numérique de mon écriture manuscrite. C’est la raison pour laquelle ce caractère comporte des imperfections que j’ai décidé de conserver dans la version définitive. Le ’f’, ’ff’, ’fi’, ’fffi’ et ’ffl’ ont des jambages très différents par exemple. Par voie de conséquence, il conserve cet aspect manuscrit tout en restant très lisible une fois imprimé. Il est en train de devenir très populaire et a été adopté par de nombreuses agences de webdesign. J’ai travaillé sur le Yan Series à partir de 1987 mais ne l’ai digitalisé qu’en 1993. Nous l’avons commercialisé en 1994 avec le soutien de Precision Type. Il n’a jamais eu vocation à être un caractère de titrage : les taluts sont plutôt petits mais je l’utilise pour écrire de manière très condensée. C’est une reproduction fidèle de mon écriture. Peut-être dan soixante-dix ans, quelqu’un le reprendra et l’arrangera, comme on l’a fait avec l’écriture de Frank Lloyd Wright. Je pense que ce serait plus intéressant comme projet, si on me le demandait. Le JY Ætna est une relecture du caractère utilisé par Alde Manuce pour le De Ætna du Cardinal Bembo. Quel est le défi pour un créateur contemporain de recréer un des plus fameux caractères de lhistoire de limprimerie ? Trouver
des sources d’époque ! Je ne pouvais me permettre d’aller en
Italie et devait donc me contenter de reproductions. Quoiqu’il en soit,
cela a été suffisant pour mes besoins. Comme le Yan
333, je voulais conserver les imperfections : pas jusqu’aux extrêmes
de l’HTF Historical Allsorts de Heofler, mais assez pour rappeler
la typographie à chaud sur une image à 2400 dpi. Je n’avais
pas besoin de perfection, ni n’ai vu l’Ætna comme un substitut
aux travaux de Griffo (le graveur de caractère d’Alde Manuce)
ou de Monotype (qui a sorti dans les années 1930 sa propre interprétation
du caractère de Griffo, le Bembo). Stanley Morison et la société Monotype ont produit leur propre version de ce caractère, le Bembo. Quelles sont les principales différences entre le Bembo et le JY Ætna ? Leur version était parfaite et vous pouvez le constater dans la version digitalisée, basée (je crois) sur le dessin original en corps 10. Il ne faut pas nier qu’il est très beau. Le mien est consciemment imparfait. Pas seulement parce que les exemples originaux à partir desquels j’ai travaillé était en corps 14 et que par voie de conséquence, l’Ætna a un meilleur rendu dans ce corps. Mais, les jambages inférieurs et supérieurs sont plus grands, plus contrastés, le caractère est plus étroit et son oil plus petit. Finalement, Monotype modifia son caractère en reprenant des excentricités et des proportions qui se rapprochaient des standards de la typographie des siècles précédents. J’ai au contraire essayé de coller au plus près de ce que je voyais dans les spécimens. Regardez attentivement le ’n’ et le ’r’ : dans le Bembo, ces lettres possèdent des courbes élégantes et subtiles. Mes courbes ne sont pas subtiles du tout : elles sont plus symétriques, mais c’est ce que j’ai vu dans les impressions de Manuce et c’est ce que j’ai dessiné.
Une de mes relectures préférées est toujours le Bembo que Linotype produisit pour la vieille Linotrons. J’ai utilisé récemment son plus proche cousin, l’Aldine 401 de Bitstream, pour un projet de livre. Je l’ai combiné avec l’Ætna et le résultat s’est révélé probant. J’ai modifié grandement le caractère de Bitstream, quoiqu’il en soit, en incorporant des chiffres elzéviriens basés sur ceux de l’Ætna et ajouté également des ligatures pour les doubles ’f’. J’ai préféré l’Aldine 401 de Bitstream au Bembo de Monotype à cause de son ’R’ court ; le dessin de Monotype possède en effet un long ’R’ qui rend difficile la composition régulière de textes longs. Quel est votre dernier projet ? Mon dernier projet ? Je suis en train de travailler sur
une magnifique famille de linéales avec un designer d’Europe
du Sud. Elle devrait voir le jour dans quelques mois. Ma dernière
création est le JY Décennie Titling Italic.
J’avais dessiné le Décennie Titling sans italique
en 1997. En fait, Décennie Titling a été
principalement dessiné à partir de l’écran plus
que de dessins papier. Quoiqu’il en soit, je me suis rendu compte que
j’utilisais peu mon propre caractère parce que je n’avais pas
d’italique - et j’ai supposé que mes clients partageaient cette
attitude. La Nouvelle-Zélande est très loin de lEurope. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les spécificités du marché australasien des polices de caractères ? C’est un marché étrange car de nombreuses
personnes préfèrent acheter des caractères étrangers.
Je ne connais pas beaucoup de sociétés régionales
qui ont décidé d’opter pour des caractères dessinés
localement pour leur communication institutionnelle. Ce n’est pas comme
en France où il existe une « conscience typographique nationale
» suffisante pour que Peugeot finance le développement
du caractère Lion. Ou bien comme en Allemagne où
des sociétés comme Audi utilisent un caractère
allemand (Rotis). Peut-être suis-je hypocrite puisque je
conduis une Citroën et une Opel Vectra ! Vous êtes le contact média de Typeright en dehors des Etats-Unis et membre du Conseil dadministration de cette organisation. Pouvez-vous nous expliquer le but de cette dernière et pourquoi vous êtes si impliqué dans cette cause ? Nous
nous sommes organisés pour que le dessin de caractère
typographique soit considéré comme une propriété
intellectuelle à part entière. Le projet est plus détaillé
sur notre site
mais c’était notre but essentiel lorsque nous (Brian Willson,
Zuzana Licko, Clive Bruton, Chris MacGregor, Ralph Smith, Don Hosek,
Don Synstelien, Si Daniel et moi - j’espère que je n’ai oublié
personne) avons fondé Typeright.
J’étais, tout comme mes collègues américains, ennuyé
par cette anomalie légale qui fait que le dessin d’un caractère
ne puisse relever de la loi sur les droits d’auteur, alors qu’il l’est
dans tous les autres pays.
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