[Mai 2006] Le lettrage audacieux de Cassandre par Jean-Christophe Loubet del Bayle

A.M. Cassandre est connu des amateurs de typographie pour ses créations originales que sont le Bifur, le Peignot et l’Acier. Mais son intérêt pour les lettres, Cassandre l’a également utilisé pour créer ses affiches en intégrant totalement la typographie à l’illustration et en se permettant de nombreuses audaces graphique.

“le dessin doit être basé sur le texte et non l’inverse.”

Le lettrage était alors la dernière étape de la création de l’affiche reléguant le texte dans un coin quitte à la torturer un peu pour qu’il rentre dans l’espace qui lui était attribué. Avec Cassandre, la lettre va faire partie prenante de l’affiche : “le dessin doit être basé sur le texte et non l’inverse.”

C’est ainsi que pour l’affiche de Pivolo, une marque qui prononcé oralement rappelle l’expression “Pie vole haut”. De cette idée est venue la décision d’utiliser le Bifur, plus pour son impact visuel que pour sa valeur sémantique ou architecturale. En traitant la typo comme des surfaces, des dégradés de noir au bleu, des jeux d’ombres et de grisés, Cassandre a transformé le texte en éléments plastiques actifs. Il joue avec ces entrelacs de lignes et d’espace tout en combinant de manière inattendue bas et haut de casse.

En règle générale, Cassandre n’a recours qu’à des linéales qui reflètent son intérêt pour la géométrie. Et encore ne joue-t-il qu’avec des capitales auquel il n’hésite pas à donner des formes peu conventionnelles et des proportions atypiques...

Les ‘S’ allongés semblent être une des grandes spécialités de Cassandre, de même que ces G qui se terminent par une petite flêche (comme pour le slogan du Bûcheron, le grand magasin du meuble ou bien les Réglisses Floriant).

Son goût pour la géométrie va jusqu’à dépouiller les lettres pour les remplacer par certains éléments constitutifs significatifs. On retrouve là une démarche entammée avec le Bifur.

Il joue également avec la couleur de ses lettres. A l’image de sa célèbre affiche réalisée pour Dubonnet (“Dubo”, “Dubon”, “Dubonnet”) dans laquelle les lettres sont progressivement foncées de manière coordonnée avec l’action de l’homme qui remplit son verre, le vide et le reremplit.

Pour l’Etoile du Nord, il fait se superposer les ‘O’ aux les lettres voisines avec un effet de transparence ce qui lui permet de traiter habilement la largeur importante de cette lettre. De plus, ces deux ‘O’ forment un triangle avec l’étoile qui fait revenir le regard sur le centre de l’affiche. Le texte qui entoure l’affiche créé un cadre qui donne l’impression de voir la scène d’une fenêtre d’un train.