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Carré Noir en quelques mots
Carré
Noir est une agence française de conseil en design graphique,
aujourd’hui intégrée au groupe Publicis.
C’est le n°3 français de cette activité ultra-spécialisée.
Elle est organisée autour de cinq activités : langages
& stratégie (création et positionnement de marque),
branding & corporate (programme d’identité visuelle), branding
& packaging (emballage), branding & edesign (création
de sites web) et branding & architecture (décoration et aménagement
d’espace).
Quoiqu’appartenant à un groupe publicitaire, notre métier
est sensiblement différent. « Notre travail doit en effet
s’inscrire dans le temps, être pérenne. »
Directeur de création chez Carré Noir
L’interlocuteur en matière d’identité visuelle
est bien souvent la Direction générale. Elles ressentent
en général bien les enjeux et s’immergent totalement
dans ce qui leur est présenté.
Les enjeux sont en effet importants. Il s’agit souvent d’unifier
sous une bannière : la marque, les différentes entités
d’un même groupe. Un programme d’identité doit cependant
laisser la place à l’expression des singularités. En effet,
l’image de l’entreprise doit aussi tenir compte de son organisation
(centralisée, décentralisée, avec ou sans marques
fortes en son sein).
Les conséquences économiques sont loin d’être négligeable.
La rationalisation de l’identité graphique permet de supprimer
bien des redondances, de centraliser l’achat de papeterie, d’harmoniser
les postes de travail.
L’argumentaire doit être adapté aux besoins du client.
Mais le choix d’un caractère typographique pour une marque repose
d’abord et avant tout sur l’histoire de ce caractère, sa lisibilité
et ce qu’il évoque. Un caractère moderne pour l’Agence
spatiale européenne contre un caractère classique pour
Inès de la Fressange. Pour Dassault Systèmes, nous avons
choisi l’Apolline comme typographie d’accompagnement.
Le choix du caractère proposé ressort de réunions
de brainstorming avec les membres de l’équipe, le caractère
est presque toujours retravaillé afin de s’adapter à la
création de logotypes.
La charte doit présenter et expliquer les règles
qui ont présidées au projet graphique, l’esprit plutôt
que la lettre, le tout en une dizaine de pages.
Comment devient-on directeur de création ?
Un concours de circonstances ! Javais dabord
commencé des études de médecine avant de morienter
vers les Arts décoratifs où je me suis pris de passion
pour la calligraphie. Il y eut ensuite Claude Mediavilla, les rencontres
de Lure, Albert Boton. Michel Derre , Renan le Henaff, et bien dautres.
Cest Albert Boton qui ma permis de rencontrer Michel Disles,
quelques temps après cette rencontre, je suis rentré chez
Carré Noir. On peut penser que lorsquon trouve sa voie
à 33 ans, cest la bonne. Je suis aujourdhui directeur
de création, cest à dire que je supervise le travail
dune équipe de directeurs artistiques. Cest un travail
passionnant qui consiste à faire parler le talent de chacun des
membres des équipes de créatifs.
Je suis par ailleurs professeur didentité visuelle à
lAcadémie Charpentier, une des plus anciennes écoles
privée de design graphique.
Le sens de la typo
La typographie est un véritable catalyseur de
l’époque. Rares sont ceux qui savent l’apprécier , pourtant
son étude permet de comprendre les tendances du moment. Il suffit
pour s’en convaincre de regarder par exemple les typos utilisées
par certains magazines de surf dans lequels on combine du Blur
avec de l’Apoline. L’idée correspond à la
tendance actuelle pour le métissage culturel.
De fait, le dessin de la lettre est un véritable concentré
de sens. Et c’est finalement mon travail chez Carré Noir : créer
du sens, de la manière la plus synthétique possible pour
que finalement, à un signe corresponde une idée.
Même si parfois, après bien des réflexions, on revient
aux grands classiques. Comme le disait Albert Boton, non sans humour
: « ne t’inquiète pas Benoit, de toute façon,
cela se terminera en Helvetica. »
Les grandes mutations
Le travail typographique en agence a bien changé
ces dernières années. On est en effet très loin
du temps où Albert Boton faisait lui-même les mises au
point et restait presque tout au long de sa carrière au sein
la même agence. Aujourd’hui, les jeunes typographes se font toujours
la main en agence mais préfèrent rapidement poursuivre
leur carrière en solo...
De fait, les agences ont moins besoin d’avoir des typographes à
demeure. Elles font appel à ces indépendants en fonction
de leurs sensibilités et de leurs disponibilités.
Les créateurs de typo français sont toujours très
marqués par leur formation classique. Ils s’inspirent et revisitent
avec bonheur le plus souvent le fond que constitue le cabinet des poinçons.
Les Suisses, à l’image d’André Baldinger ont une approche
parfois plus expérimentale : le Dot en est un bon exemple.
La diversité typographique
L’offre typographique s’est considérablement élargie
, l’éclosion de nombreuses fonderies comme Emigre ou T26
a régénéré un marché qui dans
les années 1970 était largement dominé par Monotype,
Berthold ou ITC.
Du coup, le travail des utilisateur de typo s’est sensiblement compliqué.
Auparavent, il fallait choisir une typo à partir des énormes
catalogues des fonderies beaucoup se souviennent encore d’avoir feuilleté
les 2 tomes du"Berthold", plus de 1000 pages. Tout l’art consistait
à savoir utiliser le susdit catalogue. Aujourd’hui, la tendance
s’oriente vers un regroupement des caractères par créateur.
Le nom des typographes est devenu une véritable marque. La plupart
d’entre eux privilégie la vente directe de leurs caractères
à l’image de Jean-François
Porchez qui autorise le paiement par Carte bleue directement de
son site. La vente en direct permet de mieux maîtriser le marketing
des caractères et de récupérer tout ou partie des
marges autrefois attribuées aux distributeurs, pour investir
plus rapidement ces sommes dans de nouvelles création.
Ce système permet à un plus grand nombre de créateurs
indépendants de vivre de leurs ouvres. Ceci dit, Microsoft a
quand même significativement freiné la diversité
typographique avec son Windows. On est passé d’un dictat de l’Helvetica
à une domination de l’Arial.
Les typographes
Un créateur de caractères est bien sûr
d’abord un amoureux de la typographie, c’est une véritable passion
qui commence par une fascination de l’écriture ce qui doit probablement
remonter à l’enfance lorsqu’ on apprend la lecture et que l’on
découvre qu’il n’est rien de plus fascinant que l’écriture.
C’est un travail de solitaire qui exige un très haut niveau de
lucidité, une capacité à juger objectivement son
travail. Créer un caractère typographique relève
d’une véritable démarche d’artiste, d’artiste maudit pourrait-on
presque dire tant cette création suscite peu de reconnaissance.
Le concours Agfa-Intergraphic
C’est le principal prix typographique français,
en dehors des manifestations organisées par l’AtypI. Il
récompense les créations les plus significatives de l’année
en matiére d’alphabet d’entreprise. Sa notoriété
est encore insuffisante mais chaque année 30 à 50 nouvelles
contributions nous sont soumise. Il faut dire que l’atomisation du métier
rend beaucoup plus difficile la collecte des travaux. Agfa fait d’ailleurs
un fastidieux mais nécessaire travail de collecte, encore merci
à leurs équipes.
Propos recueillis par Jean-Christophe Loubet del Bayle
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